Le Koko Dunda, ce patrimoine valorisé par un établissement scolaire à Bobo-Dioulasso
A peine labellisé, le Koko Dunda est valorisé par un établissement de la ville de Sya. Le Lycée Privé Senghor de Bobo-Dioulasso a vite compris le sens du « Consommons Burkinabè ». Nouvel établissement privé, avec un effectif de 182 élèves environ pour 8 classes, de la 6ème à la terminale, le Lycée Privé Senghor fonctionne avec le nom de Lycée Privé Albarka 2 du Faso en attendant que son changement de dénomination soit effectif.
Fièrement, les élèves migrent vers l’extérieur de l’établissement. Il est exactement 9h50mn, le vendredi 5 novembre 2021, quand nous arrivons au sein de l’établissement. Le spectacle, en plus d’être patriotique, est très attrayant. Tous habillés de tissus Koko Dunda, avec un motif aux couleurs bleu et blanc, telle la couleur de l’eau, source de vie, filles comme garçons chacun se dit, pour une fois, satisfait de sa tenue scolaire. « Je me sens fière dedans car c’est une tenue de chez moi et en plus, c’est très joli » nous dira Bassolé Marie Axelle, élève en classe de 3ème. Pour Koné Idrissa, de la 1ère, c’est un honneur de pouvoir valoriser notre culture à travers les tenues scolaires. « Cela devrait motiver les autres établissements à nous emboiter le pas car nous mettons ainsi le talent de nos mamans en valeur », a-t-il laissé entendre. Le Lycée Privé Senghor, est un nouvel établissement situé dans le quartier Sikasso-Sira, en plein cœur de la ville de Bobo-Dioulasso. Selon son Directeur, Mr Baziemo Amos, le choix du KoKo Dunda comme tenue scolaire n’est pas fortuit. « Lorsque nous avons décidé de reprendre le Lycée privé Albarka 2 du Faso, nous avons voulu valoriser un peu ce que nos mamans font comme travail ici à Bobo-Dioulasso » a dit le Directeur. Une initiative que bon nombre de passants découvrent avec admiration.

Le Kôkô Dunda avant et aujourd’hui
Jadis appelé « Tchêtibarala » littéralement « Mon mari ne travaille pas », le tissu est nommé aujourd’hui « Koko Dunda », pour faire allusion à l’entrée de Kôkô, un des quartiers les plus chocs de la ville de Bobo-Dioulasso, où ce pagne est artisanalement teinté. Ramené sur les chemins de la consommation il y a environ 7 ans, par le styliste Sébastien Bazemo, ce patrimoine vestimentaire n’a pas toujours été apprécié.
Dans le temps, il était beaucoup minimisé. « On l’utilisait comme couverture avant. Et quand les parents voulaient te punir parce que tu n’as pas bien travaillé à l’école, c’est ce tissu qu’on prenais pour te coudre les habits de fête », selon les propos de Sétou, une quarantenaire rencontré dans un marché de la place. Une considération qui est restée dans l’esprit de certaines personnes et qui a joué sur le décollage de ce patrimoine vestimentaire. Aujourd’hui encore, une poignée personnes minimisent toujours ce tissu. C’est le cas de Mr Drabo Siaka, agent dans un établissement public de la place. « Je ne sais pas comment vous l’expliquer, mais je n’arrive pas à m’enlever de la tête que le Koko Dunda, c’est pour les pauvres » nous lance-t-il. Pourtant, les choses semblent avoir véritablement changées. Même s’il y a encore des sceptiques, le Koko Dunda a pris son envol. Depuis un certain temps, nos mamans qui avaient déjà le secret de fabrication de ce sésame l’ont amélioré. Aujourd’hui, des motifs beaucoup plus attirants sont fabriqués par ces teinturières. La demande devient de plus en plus forte, même à l’international.
Donner de la valeur au Koko Dunda made in Faso
Conscient de la place de choix que prend le Koko Dunda, le gouvernement à travers le Ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, Mr Harouna Kaboré, a, courant septembre 2021, procédé à la labellisation de cette technique tinctoriale made in Burkina Faso. Un préalable pour la valorisation de ce patrimoine vestimentaire. Mais cela n’est pas suffisant. Il faut un sursaut patriotique et l’engagement de tous les citoyens. En effet, la promotion d’un produit n’est efficace que lorsque l’autoconsommation est prise en compte. Le Président Thomas Sankara en avait déjà jeté les bases en rendant obligatoire le port du Faso Danfani pour certaines cérémonies. Récemment, l’Assemblée Nationale, à travers son président, SEM. Alassane Bala Sakandé s’est aussi ralliée derrière cette cause. C’est dans cette même lancée, que le Lycée Privé Senghor a voulu que ses tenues scolaires soient faites en Koko Dunda. Une initiative qui n’a pas coutée grande chose à l’établissement au vu de la collaboration et de la confiance qu’il y a avec le fournisseur. « Nous leur donnons le complet à 3.000FCFA. Ils ne payent que une fois le stock épuisé », selon les dires de Mme Touré, responsable d’une teinturerie familiale qui fournit le tissu au collège.

Une initiative incomprise au départ mais largement adoptée vers la fin…
Habituellement, lorsque les élèves sont contraints de porter la tenue scolaire, ils les enlèvent et les mettent dans leurs sacs dès qu’ils sortent de la cour de l’école. Ceux du Lycée Privé Senghor, ne sont pas dans la même dynamique. « Au départ certains ont trouvés que ça ne sera pas joli. Mais lorsque les premiers ont porté, les autres ont adhéré », d’après le Directeur du collège, Mr Baziemo Amos qui nous expliquera que certains parents mêmes étaient sceptiques. « Ils se demandaient si la tenue « Tchêtibarala » sera jolie avec les élèves », a-t-il laissé entendre.

Le Koko Dunda est un tissu qui peut être utilisée comme tenue de soirée ou de cérémonie. Ici, la tenue est considérée comme une source de motivation pour les élèves. Ils la portent tous les jours de la semaine et le font avec beaucoup de fierté. En tout cas, c’est ce qui ressort des propos de Bassolé Marie Axelle. « Au début on a été surpris par le choix du Koko Dunda. On a même boudé parce qu’on se disait que pendant la chaleur on allait avoir des difficultés, mais après on a vraiment aimé », a-t-elle dit avant de nous faire comprendre que les élèves des autres établissements les enviaient parce que leur tenue scolaire peut être porter n’importe où !

En lieu et place du Kaki ou autres tissus scolaires, tous les autres établissements pourraient emboiter le pas du Lycée privé Senghor de Bobo-Dioulasso en utilisant le Koko Dunda. On pourrait même imprimer le logo de l’établissement sur le tissu. Cela pourrait non seulement renforcer le patriotisme de ces établissements, mais aussi et surtout, contribuer à donner de la valeur à ce que nous produisons localement. Au-delà de la plus-value que nos mamans teinturières gagneront, c’est toute l’économie Burkinabè qui en sortira bien gagnant. Le Lycée Privé Senghor a lancé les dés à Bobo-Dioulasso, qui pour lui emboiter le pas ? Nos regards sont tournés vers les autres établissements scolaires.

Flavie